• Et si on créait des écoles primaires autonomes sous contrat? Une demande de la région IDF

    C'est un article de Touteduc qui a attiré mon attention : la région Ile de France a déposé une demande d'expérimentation auprès de l'Etat pour décentraliser l'éducation.

    Pour le contenu exact : le dossier de la Région : ici p.25-39, avec 5 parties :

    - Transformer les lycées professionnels en EPLE régional

    - créer des écoles primaires autonomes sous contrat

    - recruter les professeurs associés dans les lycées pour ouvrir le corps enseignant à la société civile face à la crise des vocations

    - fixer la composition des conseils d'administration des lycées

    - transférer les moyens EN dédiés à l'orientation à Oriane (système local)

    - fusionner les 3 CROUS

    Pour justifier par exemple du point 2, comme d'habitude, on part du constat de la faiblesse des résultats, de la dégradation des performances, des inégalités sociales... Comme d'habitude, on convoque l'innovation, une proximité avec les élèves et les parents décuplée, une nouvelle organisation basée sur l'autonomie qui "pourrait porter à la fois sur le recrutement des élèves, l’affectation des personnels, l’allocation et l’utilisation des moyens budgétaires, l’organisation pédagogique ainsi que les dispositifs d’accompagnement des élèves. Ces écoles auraient une très grande liberté dans l’organisation des horaires, des programmes, des enseignements, des activités extrascolaires". Ce type d'établissement est présenté comme " plus transparent et plus responsable vis-à-vis des parents, puisqu’ils doivent régulièrement des rapports détaillés sur leurs performances et leurs progrès, en fonction des objectifs qu’ils se sont fixés. Cela favorise une culture de responsabilité et d’amélioration continue, en mettant l’accent sur la qualité de l’éducation plutôt que sur le respect de la conformité bureaucratique". On pourrait aussi parler du paragraphe consacré à l'évaluation où les moyens pourraient être retirés si les "objectifs" ne sont pas atteints...

    En fait, je le prends mal. Si je comprends bien, aujourd'hui, nous ne sommes pas des enseignants qui nous impliquons dans notre travail pour essayer de faire réussir tous nos élèves, nous ne réfléchissons pas à nos pratiques, nous ne sommes pas impliqués auprès des familles, nous ne sommes pas "responsables". En gros, on est là pour passer le temps? Et après, on parle de considération...

    On pourrait le mettre en relation avec le besoin d'ouverture à la vie civile : un ingénieur ou un chef d'entreprise peut devenir prof, sans concours, du fait de son expérience professionnelle. Parce que lui connait la vie, la vraie, et sait ce qu'est le monde du travail (en opposition à nous, bisounours protégés dans nos écoles qui n'avons jamais travaillé, s'entend)? Quel est le rapport entre le référentiel de compétences d'un chef d'entreprise ou d'un ingénieur et celles exigées par le référentiel des prof? Ce n'est que mon expérience personnelle, mais mon passage d'ingénieure (et oui, je me suis reconvertie il y a maintenant longtemps et encore j'avais passé le concours et donc avait lu 2-3 bricoles sur l'éducation) à prof des écoles (et pas prof de lycée) a nécessité un accompagnement poussé par les 2 CPC qui m'ont suivie une demi-année (et que je ne remercierai jamais assez...) et que malgré toutes les imperfections de la formation en IUFM, celle-ci a été plus que nécessaire l'année suivante. C'est vraiment manquer de savoirs sur le métier que de nier le besoin de pédagogie et de connaissances spécifiques, on ne le dira jamais assez...

    Il y aurait encore beaucoup à questionner (la décentralisation, la place des expérimentations, de la compétition, l'innovation...), mais est-ce vraiment le but de ce blog?

    J'en rajouterai quand même une : dans le texte, on peut noter l'usage du mot "croire" et du conditionnel quand il s'agit de parler des résultats : "un établissement autonome serait davantage capable de s’adapter aux spécificités de sa population, de ses enseignants et de son environnement socio-économique." N'en serait-on pas complètement sûrs? Serait-on plus dans l'opinion et dans les idées (voire l'idéologie) que dans le savoir?